LES CODES DE CALCUL UTILISES EN RADIOTHERAPIE CONFORMATIONNELLE
Jean-Claude ROSENWALD, Institut Curie, ParisINTRODUCTION
L'approche conformationnelle de la radiothérapie fait de plus en plus appel à des incidences multiples de faisceaux, délimités par des systèmes de collimation complexes et pouvant faire l'objet à l'intérieur du champ d'une modulation d'intensité. Par ailleurs, l'amélioration de la protection des tissus sains permet une escalade de dose pour laquelle il est important d'obtenir une grande précision. Enfin, la recherche de la meilleure technique de traitement nécessite le calcul des doses dans les régions d'intérêt en un grand nombre de points ainsi que la mise en oeuvre d'une certaine forme d'optimisation qui n'est possible que si les temps de calcul sont faibles.
Le modèle de calcul idéal est donc celui qui permet le calcul rapide et précis de distributions complètes de dose pour des combinaisons de faisceaux complexes. Ces besoins sont contradictoires et certains compromis sont inévitables.
L'objectif de cette présentation est de passer en revue les différents modèles de calcul de dose utilisés sur les systèmes de planification de traitement (SPT) et de discuter leurs avantages et leurs limitations, compte tenu des objectifs poursuivis.
I Spécificités du calcul de la dose en radiothérapie conformationnelle
I-1 Echantillonage des points de calcul
En RTC, il est essentiel de raisonner en volume et de connaitre la distribution topologique des doses dans le(s) volume(s) cible aussi bien que dans les organes à risque. Les histogrammes dose-volume (HDV) associés à chacune des structures d'intérêt permettent une première approche mais ils ne distinguent pour chacune des structures que l'intérieur et l'extérieur. Ils ne permettent donc pas de connaitre la répartition des doses au sein de chacune d'elles, ni au sein de l'ensemble des autres tissus. Ils doivent donc être complétés par une "cartographie" conventionnelle sous formes de courbes isodoses ou par une représentation surfacique tridimensionnelle.
L'idéal serait de couvrir l'ensemble des zones d'intérêt par une grille tridimensionnelle (par exemple cartésienne) suffisamment fine pour permettre une analyse précise. Toutefois, compte tenu de la précision géométrique recherchée dans certaines régions, le nombre de points de calcul résultant est impressionnant. Ainsi, pour couvrir sur 30 cm de haut avec une résolution de 2 mm, le thorax d'un patient "moyen" ayant une épaisseur de 20 cm et une largeur de 30 cm, il faudrait de l'ordre de 2 millions de points, d'où des temps de calcul impraticables pour une recherche de la meilleure technique de traitement.
Une solution très intéressante, en particulier pour le calcul des HDV, est le recours à un échantillonnage de points aléatoires qui permet avec quelques centaines de points, d'avoir une bonne idée de la distribution dose/volume à l'intérieur d'une structure donnée . En ce qui concerne la répartition complète des doses, le calcul "à la demande" dans certains plans d'intérêt constitue un bon compromis qui permet de ne pas sacrifier la précision géométrique, indispensable dans les régions de fort gradient notamment en bordure de volume cible.
On voit donc tout l'intérêt des algorithmes qui permettent de recalculer les doses à volonté en certains points, par opposition à ceux qui travaillent d'emblée en échantillonnant tous les points du volume.
I-2 Délimitation des champs : caches individualisés et collimateurs multilame
L'utilisation de champs non rectangulaires remonte au tout début de la radiothérapie. Les modèles de calcul permettant la prise en compte de champs de forme irrégulière ont depuis longtemps été intégrés dans la plupart des SPT. Ces modèles permettent notamment le calcul, en chaque point, de la quantité de diffusé provenant du volume délimité par le système de collimation. Ils font appel à des méthodes spécifiques pour représenter la zone de pénombre qui est influencée à la fois par la géométrie du système de collimation et par les propriétés physiques du rayonnement dans le milieu en bordure de faisceau (photons diffusés, manque d'équilibre électronique latéral) .
Les collimateurs multilame (CML) ne posent pas, vis à vis du calcul de la dose, des problèmes véritablement différents. Il est bien sûr nécessaire de pouvoir décrire la forme délimitée par le CML sans relever explicitement les contours des lames. Ceci nécessite l'intégration dans le SPT d'un algorithme permettant de convertir une forme continue1 en positions individuelles de lame (avec possibilités de transfert ultérieur vers l'appareil de traitement). Il est de plus souhaitable de pouvoir modifier, par exemple à la souris, la position de chacune des lames. En revanche, une fois la position des lames fixée, il est facile de recalculer automatiquement les coordonnées des points constituant le champ irrégulier délimité par la combinaison des lames et des mâchoires principales. Ce faisant il est possible, en fonction du modèle retenu pour caractériser la zone de pénombre, d'associer à chaque segment élémentaire du champ une propriété particulière qui permet de différencier le "bout" et le "côté" de la lame ainsi que le collimateur principal en termes de largeur de pénombre et de transmission résiduelle. De cette manière, même les systèmes de collimation à bouts arrondis, peuvent être modélisés de manière satisfaisante.
La limitation essentielle de cette "assimilation" d'un CML à un champ irrégulier, est l'impossibilité de tenir compte de la fuite entre les lames, fuite qui est généralement ou bien très faible, ou bien "bloquée" par une paire de mâchoires additionnelle. Pour certains accélérateurs où le CML est proche de la chambre moniteur, il peut être nécessaire d'introduire un facteur correctif supplémentaire pour le calcul des unités moniteurs.
1 Obtenue par exemple en ajoutant automatiquement une marge fixe autour d'une structur cible projetée depuis la source en mode "vue du faisceau" (Beam Eye View).
I-3 Modulation d'intensité
La modulation d'intensité consiste à produire à la surface d'entrée du patient une variation spatiale de la fluence et donc de la dose. Un filtre en coin traditionnel est un exemple de "modulateur" statique à une dimension. Un compensateur, obtenu en insérant dans le faisceau une plaque d'épaisseur variable, permet une modulation statique à deux dimensions.
Ces "modificateurs de fluence" ont comme principal effet de modifier la dose primaire en chaque point du milieu. Cette modification est facilement prise en compte dans les modèles de calcul en définissant une matrice dans un plan perpendiculaire à l'axe du faisceau et en assignant à chaque point de cette matrice un facteur correctif représentant, en première approximation, la transmission de l'atténuateur" au point considéré. Pour un calcul précis de la dose, il est de plus nécessaire de prendre en compte le diffusé et les modifications spectrales générés par le dispositif ainsi que les modifications du diffusé dans le milieu provenant de la modulation du primaire qui lui donne naissance.
Les méthodes modernes de modulation d'intensité font appel au déplacement piloté par ordinateur des mâchoires principales ou des lames d'un CML. Il s'agit alors de modulation d'intensité dynamique. Les filtres en coin dynamiques obtenus par déplacement d'une paire de mâchoires permettent une modulation à une dimension tandis que la variation dans le temps de la forme délimitée par le CML permet une modulation à deux dimensions. Cette dernière est soit continue, comme par exemple dans la technique de "fenêtre glissante" , soit discontinue avec superposition de champs statiques .
Par rapport à l'introduction d'éléments physiques dans le faisceau, le calcul de la dose avec modulation dynamique est d'une certaine manière plus simple. En effet, il n'y a ni modification spectrale, ni diffusé supplémentaire. En revanche, il est nécessaire d'intégrer le facteur temps. L'idée qui vient naturellement à l'esprit consiste à faire la somme des distributions de dose correspondant à chaque forme de champ élémentaire quelquefois appelé "segment". Ce principe est a priori mieux adapté à l'approche discontinue qu'à l'approche continue. Toutefois, il est difficilement applicable. En effet, alors que seule la fluence est modifiée, il oblige à effectuer un calcul complet de la dose autant de fois qu'il y a de segments. Or, pour obtenir une modulation d'intensité satisfaisante, il est souvent nécessaire de recourir à un grand nombre de segments, ce qui revient à se rapprocher du cas d'une modulation continue.
Il est donc préférable d'étendre la méthode décrite précédemment pour les modulations statiques, en générant préalablement au calcul de la dose une matrice représentant la correction à apporter à la fluence "originale" pour tenir compte des mouvements du système de collimation. Cette matrice peut être obtenue par superposition des distributions de fluence propres à chacun des segments, chacune étant calculée à partir du même algorithme que celui utilisé pour un faisceau statique classique. Le nombre de segments à prendre en compte pour représenter valablement une modulation dynamique est à déterminer mais, compte tenu des temps de calcul mis en jeu, il n'y a pas d'inconvénient à choisir un nombre élevé et, dans notre expérience, la préparation d'une matrice associée à une centaine de segments ne prend que quelques secondes.
Le cas des filtres en coin dynamiques est encore plus simple à traiter en utilisant la notion de "filtre physique équivalent". En effet, il s'agit là d'une modulation définie une fois pour toutes pour un angle de filtre donné qui génère une variation unidirectionnelle de la fluence, facilement prise en compte par une table de correction. Seuls la prise en compte de la partie utile de la table compte tenu des dimensions de champ et le calcul des unités moniteurs doivent faire l'objet d'un traitement particulier .
I-4 Faisceaux non coplanaires
Une solution pour améliorer la conformité de la dose au volume cible et d'assurer une meilleure protection des organes à risques, consiste à multiplier les incidences des faisceaux, y compris en faisant appel à des orientations quelconques, non nécessairement parallèles à un même plan. Ces techniques non coplanaires sont particulièrement adaptées au traitement des lésions intracrâniennes.
Elles ne posent pas de problèmes particuliers vis à vis des modèles de calcul des doses mais elles imposent deux types de contraintes :
- d'une part, il faut pouvoir disposer d'une représentation anatomique du patient sur une longueur et avec une précision suffisantes pour qu'au minimum la surface d'entrée soit correctement décrite sur toute l'étendue du champ, quelle que soit l'incidence du faisceau correspondant ;
- d'autre part, il faut que les calculs des distances et des profondeurs soient gérés de manière tridimensionnelle, qu'ils soient basés sur une prise en compte directe des voxels traversés ou sur une représentation prismatique des structures préalablement contourées .
Si ces conditions sont remplies, et si le système permet l'entrée des faisceaux non coplanaires (angle de rotation de la table), il est alors possible de calculer la profondeur en chaque point du milieu et donc la fluence du rayonnement primaire pour chaque élément de volume centré sur le point, que ce soit pour calculer la dose locale ou, au contraire, pour déterminer la contribution de cet élément à la dose aux points avoisinants.
II- Les modèles de calcul de dose
II-1 Insuffisance des modèles "globaux"
L'appellation modèle "global", retenue ici, a été choisie, par opposition aux modèles "différentiels" décrits plus loin, pour désigner une représentation de la distribution des doses directement "calquée" sur un jeu de données de base obtenu dans l'eau, pour des faisceaux généralement de section carrée, dans des conditions standardisées. C'est ce type de représentation qui était utilisé, aux débuts de l'utilisation des ordinateurs en radiothérapie, quand s'agissait essentiellement d'éviter de corriger et d'ajouter à la main les isodoses de base en fonction de la forme de la surface d'entrée du patient et pour différentes orientations des faisceaux utilisés.
Les représentations globales peuvent faire appel à deux types de techniques : soit le stockage direct des distributions de dose mesurées, soit leur représentation analytique.
II-1-1 Stockage des distributions de doses expérimentales
Le principe en est très simple puisqu'il consiste à conserver sous forme numérique, les valeurs des doses en tous les points de grilles associées à des séries de faisceaux pour des champs carrés de dimensions variables, couvrant la gamme des utilisations possibles. Si nécessaire, des jeux de données pour différentes distances, avec et sans filtres en coin sont préparés et stockés. Il s'agit dans tous les cas de données obtenues dans l'eau pour une surface d'entrée plane.
Les caractéristiques de la grille de stockage peuvent varier en fonction de la précision souhaitée. Il y a souvent avantage à choisir des grilles divergentes focalisées vers la source, avec un pas plus serré dans la région de la pénombre.
A partir de ces grilles, le calcul de la dose en un point du patient, s'obtient simplement par interpolation, en appliquant le cas échéant des corrections pour tenir compte de la forme de la surface d'entrée.
Ces méthodes qui demandent un gros effort expérimental et qui manquent totalement de souplesse, sont clairement inadaptées pour la radiothérapie conformationnelle. Des formes dérivées de cette approche basées sur le stockage de profils expérimentaux obtenus à différentes profondeurs ont toutefois été utilisées jusqu'à récemment dans des systèmes de planification de traitement mis sur le marché.
II-1-2 Représentation analytique
La différence essentielle avec la catégorie précédente provient de la réduction du nombre de données à stocker puisque le rendement en profondeur sur l'axe RP(z) et les profils PRz(x) et PRz(y) sont représentés par des fonctions analytiques. La dose en un point quelconque est alors D(x,y,z) = RP(z) * PRz(x) * PRz(y). Ces fonctions peuvent être des polynômes, des exponentielles, etc...
La difficulté est alors d'ajuster les coefficients des fonctions analytiques pour les adapter aux données expérimentales et pour les faire évoluer en fonction des variables (par exemple évolution des fonctions "profil" PR avec la profondeur z). De plus, ces coefficients ont un domaine de validité bien défini et on court le risque, en dehors de ce domaine et si les limites sont mal contrôlées, d'obtenir des résultats très différents de la réalité.
Il n'y a plus besoin d'interpolation pour obtenir la dose en n'importe quel point mais, comme pour la catégorie précédente, il est difficile de prendre en compte des modifications telles que celles du diffusé, pour des champs de forme irégulière.
Qu'il s'agisse de la restitution de données expérimentales ou de la représentation analytique, les modèles "globaux" sont clairement inadaptés aux situations complexes que l'on rencontre en radiothérapie conformationnelle.
II-2 Attrait et inadéquation des méthodes de Monte-Carlo
Les méthodes de Monte-Carlo, qui font l'objet d'une présentation spécifique séparée, consistent à reproduire par ordinateur les phénomènes physiques dans la tête de l'appareil de traitement et/ou dans le patient en suivant chacune des particules émise initialement ou générée à la suite d'une interaction, jusqu'à ce qu'elle s'échappe du milieu d'intérêt ou qu'elle perde pratiquement toute son énergie.
Sans rentrer dans les détails qui sont discutés par ailleurs, on peut retenir que ces méthodes, très séduisantes car théoriquement capables de reproduire tous les phénomènes "réels", se heurtent d'une part à la difficulté de décrire précisément la géométrie de l'appareil et de ses accessoires avec toute leur complexité et d'autre part à celle du temps de calcul nécessaire pour obtenir une précision satisfaisante. Elles s'appliquent soit au calcul de la fluence émise par la tête de l'appareil, en simulant l'interaction des électrons sur la cible et le transport des particules dans la tête, soit au calcul de la dose dans le patient, pour une fluence émise par l'appareil et distribuée sur la surface d'entrée supposée préalablement connue ou calculée. Toute modification entraine a priori un nouveau calcul complet en 3D.
L'augmentation de la vitesse des unités de calcul et la mise au point d'algorithmes plus performants (par exemple méthodes composites) laisse espérer une possibilité d'utilisation clinique dans le futur, notamment pour les faisceaux d'électrons où la simulation est plus aisée. Avec des temps de calcul qui peuvent atteindre plusieurs heures et qui, dans les cas les plus simples, sont encore de plusieurs minutes par faisceau, les méthodes de Monte Carlo resteront toutefois pendant plusieurs années inutilisables pour la radiothérapie conformationnelle où les situations sont complexes et la rapidité indispensable pour la planification inverse.
Les méthodes de Monte-Carlo sont aujourd'hui essentiellement un outil de recherche qui permet de simuler des situations pour lesquelles les données expérimentales sont difficiles à obtenir et de s'en servir comme base de comparaison pour d'autres modèles. Elles jouent également un rôle essentiel dans la génération de données ("kernels") utilisées pour d'autres modèles décrits dans ce qui suit.
II-3 Avantages des méthodes "différentielles"
Par opposition aux représentations "globales", les méthodes "différentielles" consistent à décomposer le milieu en petits éléments de volume et à ajouter la contribution de ces différents éléments. On distingue essentiellement les méthodes de séparation primaire-diffusé et celles basées sur la convolution/superposition de "kernels". Ces méthodes s'appuient, à des degrés divers, sur les phénomènes physiques rencontrés lors des interactions des particules avec la matière. Nous nous limiterons au cas des photons.
II-3-1 Bases physiques des méthodes différentielles
La dose délivrée en un point du patient est essentiellement le résultat de l'interaction, avec le milieu, des photons qui proviennent de la tête de l'appareil, après modification éventuelle quantitative et qualitative par les systèmes de collimation et les modificateurs (cône égalisateur, filtres en coin, compensateurs, porte-caches...). Ces photons sont appelés "primaires" vis à vis du patient. S'y ajoutent des électrons de contamination qui modifient la distribution de la dose dans les tissus superficiels.
Les interactions avec le patient donnent lieu à la production de photons diffusés, les photons primaires et diffusés créant eux mêmes des électrons qui ont un parcours d'autant plus grand que l'énergie est élevée et qui contribuent à la dose en cédant leur énergie au milieu.
Dans les méthodes différentielles le milieu est découpé en éléments de volume ayant une géométrie déterminée (secteurs, colonnes, voxels parallélépipédiques...) et la dose en un point est la somme pondérée des composantes (primaire, diffusé, incluant ou non le transport des électrons secondaires) en prenant en compte l'élément de volume d'où provient chaque composante. Dans tous les cas, il faut déterminer la fluence énergétique2 des photons primaires en chaque point du milieu.
2 la fluence énergétique des photons en un point est l'énergie transportée par unité de surface d'un petit élément cntré au point considéré. L'énergie transférée auc électrons secondaires (kerma) est directement proportionnelle à cette gradeur, ainsi que la dose dans le cas ou on suppose que l'énergie est déposée localement (en pratique s'il y a équilibre électronique).
II-3-2 Le calcul de la fluence de photons primaires
Comme indiqué précédemment, les méthodes de Monte-Carlo sont inadaptées pour ce calcul. Il faut en fait connaitre dans un premier temps la fluence des photons qui pénètrent dans les tissus puis prendre en compte les phénomènes d'atténuation dans le milieu.
Le profil des photons primaires dans l'air à distance de l'axe doit prendre en compte l'influence du cône égalisateur ainsi que celle du système de collimation. On utilise généralement des tables de données ou des représentations analytiques directement dérivées de mesures expérimentales. En ce qui concerne la zone de pénombre, le modèle est tel que la fluence à la limite du faisceau géométrique représente 50% de la fluence sur l'axe du faisceau en l'absence de cache. Un modèle couramment utilisé pour les champs complexes est celui le la "source étendue" dont on intègre la distribution vue au travers de l'ouverture du système de collimation depuis le point de calcul . Plusieurs "constantes de collimation" permettent alors d'adapter la largeur de la zone de pénombre aux caractéristiques du faisceau, en incluant ou non le transport latéral des électrons secondaires dans l'eau, cause d'élargissement à haute énergie. Cette fluence est également corrigée en fonction des modificateurs de faisceau traversés (filtres en coin, compensateurs, caches partiels...) en la multipliant par leur transmission effective vis à vis du rayonnement primaire.
Reste enfin à corriger la fluence en raison de l'atténuation du primaire par le milieu, ce qui est simple si le faisceau est considéré comme monoénergétique et si le milieu est équivalent-eau. En réalité, pour une correction plus exacte, il faut prendre en compte les variations spectrales en profondeur et latéralement, en utilisant des coefficients ajustés pour que les données calculées soient représentatives des données expérimentales . Des corrections suplémentaires devraient également être introduites en cas de filtre métallique tel qu'un filtre en coin ou un compensateur . L'influence des hétérogénéités sur la fluence primaire est facile à prendre en compte, en pondérant les distances géométriques traversées par la densité des tissus correspondants. En revanche l'effet des hétérogénéités sur les photons diffusés et sur le transport des électrons secondaires est beaucoup plus complexe.
II-3-3 La séparation primaire-diffusé
Surtout développée initialement pour prendre en compte les champs de forme irrégulière , cette méthode, très répandue, consiste à calculer la dose primaire, comme indiqué ci-dessus et à lui ajouter la dose diffusée par le volume inclus dans le faisceau par une méthode qui divise le champ en secteurs de cercle centrés sur le point de calcul . Le diffusé généré par chaque secteur d'angle au sommet a (radians) est pris égal à (a/2p) * S(z,r) où S(z,r) est le diffusé à la profondeur z au centre d'un champ circulaire de rayon r.
Les valeurs de S sont directement déduites de mesures dans le faisceau de l'appareil de traitement en soustrayant la dose primaire de la dose totale pour des chanps ciculaires (ou carrés) de dimensions variables. La procédure expérimentale correspondante est, pour les faisceaux de cobalt, celle de la mesure des Rapports Tissu-Air (RTA) et, pour les faisceaux de plus haute énergie, celle des mini fantômes telle qu'elle a ÈtÈ récemment préconisée par l'ESTRO .
Dans sa forme simplifiée, la méthode de séparation primaire-diffusé suppose que la fluence primaire donnant naissance au diffusé est uniforme sur toute la surface du champ. En effectuant un découpage radial en sus du découpage angulaire, on décompose le milieu en colonnes qui génèrent un diffusé proportionnel au primaire qui lui donne naissance et on peut calculer la dose précisément même en cas d'incidence oblique ou de modulation d'intensité significative.
Pour prendre en compte le transport des électrons, on peut soit le considérer comme un "pseudo diffusé" qui corrige la fluence des photons en conséquence soit faire apparaitre un terme de correction explicite calculé par méthode de Monte Carlo . Quant à la correction d'hétérogénéités elle peut elle aussi être basée sur une approche différentielle qui permet la prise en compte des modifications aussi bien du primaire que du diffusé .
L'avantage essentiel des méthodes de séparation primaire-diffusé est lié à leur capacité calculer les doses avec des temps assez courts, dans des situations relativement complexes : quelle que soit la géométrie du faisceau et les modulations d'intensité introduites. Le fait que les grandeurs utilisées comme données de base soient directement dérivées de mesures dans le faisceau de l'utilisateur, donne une grande fiabilité à la représentation des distributions des doses.
Les limitations essentielles correspondent aux situations où il y a modification de l'équilibre électronique en présence d'hétérogénéités. C'est le cas par exemple dans des faisceaux de haute énergie et de petites dimensions traversant le poumon ou au voisinage immédiat d'interfaces entre deux milieux de densités différentes.
II-3-4 Les algorithmes à base de "kernel"
Dans les méthodes différentielles à base de kernels, la fluence des photons primaires ne sert pas directement à calculer la dose en un point. En revanche elle permet de pondérer l'influence des interactions générées dans un voxel (x',y',z') sur la dose en un point distant (x,y,z). Cette influence est caractérisée par le "kernel" k(x-x', y-y', z-z') qui est la fraction d'énergie distribuée dans l'eau en tous points (x,y,z) autour d'un point (x',y',z') où des photons monochromatiques sont "forcés" d'interagir . Cette fraction d'énergie est le résultat à la fois des électrons secondaires mis en mouvement par les photons primaires et des électrons mis en mouvement par les photons diffusés au point d'interaction. Chacune de ces distributions peut être préalablement calculée par méthode de Monte-Carlo pour des photons mono énergétiques.
Pour un spectre donné et en admettant que ce spectre est le même en tous les points du milieu, on peut préparer des kernels polyénergétiques en pondérant les kernels monoénergétiques par chacune des composantes spectrales. La dose en un point (x,y,z) est alors obtenue par intégration sur l'ensemble du volume selon la relation suivante :
D(x,y,z) = ¿ Y (x',y',z') k(x-x', y-y', z-z') dV'
où Y (x',y',z') est la fluence énergétique au centre du petit élément de volume dV', calculée selon une des méthodes décrites précédemment.
Dans le cas où on admet que k ne dépend que de la distance entre les deux points (pas de modification spectrale, pas d'effet de divergence, pas d'hétérogénéité), cette relation est mathématiquement une "convolution" qui peut donner lieu à des méthodes de calcul accélérées (transformation dans l'espace de Fourier). Dès qu'il y a des hétérogénéités où que l'on considère que les modifications du kernel sont significatives, il faut effectuer une "superposition" des kernels en 3D, ce qui induit des temps de calcul nettement plus élevés.
La manière dont les kernels sont modifiés en présence d'hétérogénéités est a priori complexe. Des simplification sont apportées en effectuant une "mise à l'échelle" ("scaling") avec regroupement des angles de diffusion selon l'axe des cônes correspondants ("collapsed cone convolution") .
Une autre simplification importante est réalisée en préintégant les kernels le long de lignes de manière à simuler des "pinceaux" ("pencil beams"). On peut alors se contenter d'une intégration à 2 dimensions qui est très similaire à celle décrite précédemment dans la séparation primaire-diffusé lorsqu'on effectue un double découpage, à la fois angulaire et radial. La convolution/superposition de pinceaux élémentaires a été implémentée sur plusieurs systèmes actuellement commercialisés. Elle donne des temps de calcul plus courts que le traitement de kernels ponctuels mais ne permet qu'une prise en compte très approximative du transport des électrons secondaires en présence d'hétérogénéités puisque c'est toujours l'ensemble du "pinceau" qui est mis à l'échelle.
Les méthodes à base de kernels sont séduisantes parce qu'elles simulent les phénomènes physiques, y compris le transport des électrons secondaires, sans aboutir à des temps de calcul aussi longs que les méthodes de Monte-Carlo. Elles souffrent toutefois de limitations dues aux inévitables simplifications, notamment en présence d'hétérogénéités. Sur ce plan, les méthodes des "pinceaux élementaires" restent approximatives et donnent des résultats similaires à ceux obtenus avec les méthodes de séparation primaire-diffusé . Par ailleurs, les méthodes à base de kernels présentent l'inconvénient de faire appel à des données de base de type spectral, qui ne peuvent pas êre directement mesurées sur les installations de l'utilisateur. Elles nécessitent donc un ajustement préalable (généralement basé sur une correspondance entre rendement en profondeur calculé et mesuré) qui est quelquefois laborieux et dont la validité demande à être vérifiée. Néanmoins, à condition d'effectuer les vérifications voulues et d'accepter des temps de calcul allongés, l'approche basée sur les kernels ponctuels apporte une meilleure prise en compte des phénomènes de déséquilibre électronique au voisinage des interfaces des hétérogénéités et en bordure de faisceau que la séparation primaire-diffusé ou la superposition des pinceaux élémentaires.
CONCLUSIONS
Les développements de la radiothérapie conformationnelle posent de nouveaux problèmes aux systèmes de calcul de dose. Ces problèmes sont d'abord de type géométrique (balistique) et n'ont donc pas de conséquences directes sur les modèles de calcul utilisés à condition que les représentations des patients et des faisceaux soient traitées en 3D et offrent tous les degrés de liberté souhaités.
Les besoins d'optimisation d'une part, les évolutions dynamiques d'autre part, obligent à des temps de calcul des doses courts. Cette contrainte est contradictoire avec celle d'une amélioration de la précision. Il faut donc trouver le meilleur compromis, qui correspond aujourd'hui à l'utilisation de méthodes différentielles. Parmi celles-ci la séparation primaire-diffusé avec double découpage et la superposition de pinceaux élémentaires offrent sensiblement les mêmes performances, tant en termes de temps de calcul que de précision. La convolution/superposition de kernels ponctuels permet une meilleure précision dans le cas particulier des interfaces des hétérogénéités à haute énergie, et ce au détriment de la vitesse de calcul. Dans tous les cas, la prise en compte de la fluence des photons qui sont émis réellement par la tête de l'appareil, avec ou sans modulation d'intensité, est essentielle. Cette prise en compte reste basée dans tous les modèles différentiels sur des représentations empiriques qui doivent être soigneusement validées.
D'une manière plus générale, les modèles utilisés ne constituent qu'un des éléments des systèmes de planification utilisés en radiothérapie conformationnelle. Ces modèles sont difficile à caractériser car, sous la même dénomination, on peut trouver des implémentations extrêmement variables pouvant aboutir à des résultats très différents. De plus, ces modèles n'ont de sens que si les données de bases sont parfaitement ajustées aux caractéristiques de l'appreil utilisé. Il convient donc de porter toute son attention sur le contrôle de qualité, indispensable avant toute utilisation clinique , ainsi que sur l'ensemble des caractéristiques du système sur lequel le modèle est implémenté.
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